Gaspard de la Nuit de Desberg et de Moor



Bien qu'elle n'ait que 25 ans, la série des Gaspard de la Nuit (4 tomes) fait assurément partie des trésors de la bande dessinée Franco-Belge. Partant d'un pastiche de Quicke et Flupke sur les premières pages, la série bascule en conte fantastique sous la plume d'un De Moor (fils) qui démarre plus "ligne claire" que jamais et termine dans un trait plus fouillé, plus chaotique et sans doute plus riche aussi.

Gaspard de la Nuit déborde d'imagination. Mise à part une courte introduction dans notre monde, la série se déroule entièrement dans un monde fantastique parallèle au notre dont quelques hommes initiés exploitent les ressources féeriques pour alimenter le monde des hommes en luxueuses chimères. Gervais, le héros qui s'est bien vite retrouvé dans la peau de Gaspard (lisez, vous comprendrez) se retrouve au centre d'un complot politique: alors que certaines factions du monde de Lanuit tentent de chasser les hommes et de reprendre leur souveraineté, la vie de l'Enfant-Roi qui les gouverne (pas très bien) est en danger.

La magie de Gaspard de la Nuit tient non seulement aux aventures de notre héros (qui évolue pas mal depuis sa naïveté 'tintinesque' des débuts jusqu'à une certaine dureté dans les derniers tomes) mais aussi au monde de Lanuit lui-même, avec ses masquéreurs, ses parfumeurs, ses plantes et ses jouets animés. Le tout a d'ailleurs une étonnante cohérence et ne sombre pas dans la gloubiboulga de contes de fées comme on pourrait le craindre.

Au-delà de tout cela, on apprécie particulièrement que sous-couvert d'une bande dessinée pour enfants, des thèmes plutôt sérieux soient abordés. En particulier les premiers tomes abordent indirectement la colonisation et ses méfaits. Sans en faire des tonnes, De Moor et Desberg font passer quelques idées fortes, et reprennent habilement dans la bouche des exploitants humains certains discours "civilisateurs" qu'on a pu entendre ici ou là dans d'autres BD franco-belges (suivez mon regard).

Bref, entre un graphisme magnifique, treize bonnes idées à la douzaine et un fond qui ne trahit pas la forme, ce serait dommage de passer à côté de cet excellente BD dont la couverture, peut-être, donne l'impression à tort de n'être qu'une nième resucée du canon franco-belge.

A lire de toute urgence.

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