Le chien de la mort, de Robert E. Howard (années 20 et 30)

Épisode 44
Numéro 158 de la collection SF / Fantastique / Aventure (1986)



Dans le droit fil du Tertre maudit, ce recueil est censé se pencher sur le versant fantastique de l’œuvre de Robert Howard. Mais cette fois, le fantastique se fait bouffer par l’aventure, au point où il ne reste plus grand-chose à se mettre sous la dent si c’est ce que vous cherchez – mais si vous avez suivi mes chroniques, vous savez déjà que les recueils NéO fourraient à peu près tout et n’importe quoi entre deux couvertures.

• Le dernier chant de Casonetto est une histoire très courte, où il est question d’une vengeance posthume et musicale. Elle est percutante juste ce qu’il faut, et ne demande qu’à être démarquée dans L’appel de Cthulhu, à la rubrique « vous pensiez en avoir terminé avec le grand prêtre ? Erreur fatale ! » En y réfléchissant, elle serait encore plus amusante avec les ressources de la technologie moderne…

• Le roi du peuple oublié est un SuperHowardBurger à trois étages, avec des araignées géantes, une cité perdue, un savant antipathique à défaut d’être fou, une réincarnation, des plans déments de conquête du monde, et je relance d’une armée de cavaliers mongols, le tout en vingt-cinq pages. Elle se lit avec plaisir, c’est le plaisir légèrement pervers d’un natif du XXIe siècle qui s’encanaille. Je me demande toujours comment les lecteurs d’origine recevaient ces histoires.

• Que vienne la nuit contient des marqueurs lovecraftiens en pagaille, un emprunt flagrant à L’Abomination de Dunwich… et un héros viril qui surmonte sa peur et vient faire le ménage dans tout ça, armé de l’épée d’un ancêtre croisé. C’est sympa et enlevé, je me suis bien marré, mais c’est quand même un peu naze.

• L’ombre de la bête nous envoie dans le Sud profond, où le héros traque un assassin bestial jusque dans les profondeurs d’une maison hantée. Le suspense fonctionne sans problème, et pour le coup, le dosage entre la composante fantastique et la composante « action » marche plutôt bien. Ce n’est pas un chef-d’œuvre, mais elle fait le job.

• Nekht Semerketh est un SuperHowardBurger à tellement d’étages que j’ai arrêté de les compter, avec en vrac un conquistador perdu, une cité d’or, un sorcier égyptien immortel, une princesse aztèque en détresse, de la sorcellerie scientifique issue d’un âge oublié™, des démons volants, des sacrifices humains,  une révolte d'esclaves et il doit rester des trucs dans les coins. Burp. Cela dit, ce n’est pas entièrement la faute d’Howard : il a rédigé le début et le plan, le reste a été repris après sa mort par un certain Andrew J. Offut, qui a chargé la mule.

• En eau trouble est une brave et honnête histoire courte, qui se résume à une discussion entre gens de mer dans une auberge, pendant une tempête, où un certain nombre de masques tombent. Je ne vais pas vous mentir : je suis plus client pour ce genre de chose que pour les cités perdues mongoles ou égypto-aztèques.

• Des griffes dans la nuit est une histoire solide et carrée, qui a toutes les qualités littéraires d’un objet solide et carré, par exemple un parpaing, mais qui se lit sans déplaisir : un mort, un héros que tout accuse, une vengeance qui tourne court, et la découverte du vrai coupable, le tout en vingt pages sans fioritures. La galerie de domestiques de la victime qui, au cours de sa vie aventureuse, a recruté un Chinois, un Sikh et un Égyptien, vaut le détour à elle seule.

• Le chien de la mort conclut le recueil par une histoire bizarre et plus qu’un poil malsaine, avec une vengeance abominable, une fille dont la principale fonction est de se retrouver attachée nue sur une table en attendant d’être l’objet des attentions du grand méchant, un héros tellement courageux qu’il est à la limite d’être inquiétant et un méchant fou à lier, mais pas si méchant, en fait.


Les deux meilleures histoires, Le dernier chant de Cansonetto et En eau trouble, sont aussi les plus courtes, ce qui donne raison au proverbe mais frustre le lecteur. Pour le reste, Que vienne la nuit et L’ombre de la bête sont d’estimables réussites. Des griffes dans la nuit et Le chien de la mort sont toutes les deux de l’aventure pulp très consommable. Quant au Roi du peuple oublié et à Nekht Semerketh, je passe, mais s’il y a des amateurs de cités perdues dans l’assistance, ils peuvent se jeter dessus sans honte, personne ici ne les dénoncera.

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